Droit de propriété intellectuel

Du droit d’associé au droit de propriété Intellectuel

Les droits incorporels ou bien incorporels sont de plus en plus présents dans le patrimoine des français.

La saisissabilité des droits incorporels s’est posée en jurisprudence.

En effet, le Code des procédures civiles d’exécution n’envisageait dans sa rédaction originelle qu’une seule catégorie de droits incorporels : les droits d’associés et les valeurs mobilières.

Rappelons pour mieux comprendre ce concept étroit posé par le législateur, que la création de la saisie des valeurs mobilières et des droits d’associés fait suite à l’évolution du patrimoine des français, suite notamment aux privatisations de 1986 et qu’avant la loi de 1991 aucun outil permettait de saisir ces droits …

Cette saisie était donc spécifiquement envisagée pour les droits d’associés et les valeurs mobilières nominative et au porteur :

Article R232-1 CPCE :« Les droits d’associé et les valeurs mobilières dont le débiteur est titulaire sont saisis auprès de la société ou de la personne morale émettrice. »

Article R232-2 CPCE :

« Les valeurs mobilières nominatives dont les comptes sont tenus par un mandataire de la société sont saisies auprès de ce mandataire. »

Article R232-3 CPCE :

« Les valeurs mobilières au porteur sont saisies auprès de l’intermédiaire habilité chez qui l’inscription a été prise. 

Si le titulaire de valeurs nominatives a chargé un intermédiaire habilité de gérer son compte, la saisie est opérée auprès de ce dernier. »

Mais quid des autres droits incorporel qui ne sont pas des valeurs mobilières ?

La question s’est posée pour connaître la procédure à suivre pour les droits qui ne sont pas des valeurs mobilières ou des droits d’associés ?

Il a été nécessaire que la Cour de cassation rende un avis afin d’indiquer la procédure à suivre.

C’est en ce sens que la Cour de cassation a rendu le 8 février 1999 (bull civ n° 1, D 1999 287) un avis relatif à la saisie d’un droit incorporel particulier : la licence de débit de boisson.

« LA COUR DE CASSATION, (…)

Vu les articles L. 151-1 et suivants du Code de l’organisation judiciaire et 1031-1 et suivants du nouveau Code de procédure civile, 

Vu la demande d’avis formulée le 22 octobre 1998 par le juge de l’exécution du tribunal de grande instance de Bayonne, reçue le 9 novembre 1998, dans l’instance opposant la caisse Organic du Sud-Ouest à M. X…, et ainsi libellée : 

 » La licence n° IV d’exploitation d’un débit de boissons qui constitue un élément dissociable du fonds de commerce peut-elle être saisie comme une valeur mobilière conformément aux articles 178 et suivants du décret du 31 juillet 1992 ?  » 

EST D’AVIS QUE : 

La licence d’exploitation d’un débit de boissons de 4e catégorie constitue un droit incorporel saisissable. En l’absence de texte réglementaire de portée générale applicable à la saisie des droits de cette nature, ou de dispositions spécifiques à la saisie de cette licence qui n’est pas une valeur mobilière, il est possible, sous réserve des adaptations nécessaires contrôlées par le juge de l’exécution de transposer pour les opérations de saisie, la procédure définie aux articles 182 à 184 du décret du 31 juillet 1992, et, pour la vente, les dispositions des articles 189 à 192 du même texte. »

Aujourd’hui cette question ne se pose plus.

En effet, Il est particulièrement intéressant de voir que lors de la création du Code des procédures civiles d’exécution en juin 2012, codification qui s’est faite en grande partie en droit constant, une évolution importante quant à la terminologie de notre matière a été réalisée.

Avant la recodification, le décret du 31 juillet 1992 stipulait dans son Titre VIII :

Titre VIII : La saisie des droits d’associé et des valeurs mobilières

Et l’article 178 du même décret prévoyait

« Les droits d’associé et les valeurs mobilières dont le débiteur est titulaire sont saisis auprès de la société ou de la personne morale émettrice. »

Dorénavant avec le recodification du 1er juin 2012 le CPCE traite dans son titre III du livre 2 de sa partie législative de :

Titre III : La saisie des droits incorporels.

Ce principe est repris dans l’article L 231-1 du CPCE qui stipule : 

« Tout créancier muni d’un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut faire procéder à la saisie et à la vente des droits incorporels, autres que les créances de sommes d’argent, dont son débiteur est titulaire. »

Et dans l’article  article R231-1 du CPCE :

« Sauf dispositions contraires, la saisie des droits incorporels est régie par le présent titre dans la mesure où leur spécificité n’y met pas obstacle. »

Évolution importante qui découle de l’avis de la Cour de cassation et qui simplifie nettement la procédure en ouvrant le champ d’application de cette saisie à tous les droits incorporels.

Par conséquent, aujourd’hui le champ des possibles est quasiment infini !

  • Obtention végétale
  • Œuvres littéraires et artistiques
  • Dessins ou modèles
  • Marques et brevets
  • licences

Peuvent se saisir sans la moindre difficulté procédurale.

Le droit de propriété intellectuel et industriel.

Une remarque importante quant à la saisie des droits de propriété intellectuel : ce n’est pas l’œuvre en tant que telle qui est saisie.

C’est ainsi que la saisie ne va pas porter physiquement sur le brevet, la marque, le dessin ou le livre au sens physique, mais sur le droit de propriété intellectuel (de création) touchant cette œuvre de l’esprit.

Ainsi le droit de droit de propriété qui sera saisi et vendu aux enchères publiques permettra d’acquérir  les droit  attachés à ce droit de propriété : redevances ou royalties, droit d’exploitation, droit de reproduction, droit de location.

Les pratiques commerciales de la matière permettront ainsi au nouveau propriétaire de tirer des bénéfices qui peuvent être importants.

Le droit d’auteur devra être différencié de l’interprète, comme nous le verrons par ailleurs.

Souvent connu sous l’appellation de droit de propriété intellectuel, ces droits sont parfois dénommés droit de propriété industriel.

En effet, l’article L 611-1 du Code la propriété intellectuelle envisage pour les inventions d’un titre de « propriété industrielle ».

Les articles : L 611-1 et L 611-2 du Code de la propriété industrielle sont ainsi rédigés.

L’article L 611-1 :

« Toute invention peut faire l’objet d’un titre de propriété industrielle délivré par le directeur de l’Institut national de la propriété industrielle qui confère à son titulaire ou à ses ayants cause un droit exclusif d’exploitation.

La délivrance du titre donne lieu à la diffusion légale prévue à l’article L. 612-21.

Sous réserve des dispositions des conventions internationales auxquelles la France est partie, les étrangers dont le domicile ou l’établissement est situé en dehors du territoire où le présent titre est applicable jouissent du bénéfice du présent titre, sous la condition que les Français bénéficient de la réciprocité de protection dans les pays dont lesdits étrangers sont ressortissants.

Sauf stipulation contraire d’un engagement international auquel la France est partie, les dispositions du présent article s’appliquent aux inventions réalisées ou utilisées dans l’espace extra-atmosphérique y compris sur les corps célestes ou dans ou sur des objets spatiaux placés sous juridiction nationale en application de l’article VIII du traité du 27 janvier 1967 sur les principes régissant les activités des Etats en matière d’exploration et d’utilisation de l’espace extra-atmosphérique, y compris la Lune et les autres corps célestes. »

L’article L 611-2  :

« Les titres de propriété industrielle protégeant les inventions sont :

  • Les brevets d’invention, délivrés pour une durée de vingt ans à compter du jour du dépôt de la demande ;
  • Les certificats d’utilité, délivrés pour une durée de six ans à compter du jour du dépôt de la demande ;
  • Les certificats complémentaires de protection rattachés à un brevet dans les conditions prévues à l’article L. 611-3, prenant effet au terme légal du brevet auquel ils se rattachent pour une durée ne pouvant excéder sept ans à compter de ce terme et dix-sept ans à compter de la délivrance de l’autorisation de mise sur le marché mentionnée à ce même article.

Les dispositions du présent livre concernant les brevets sont applicables aux certificats d’utilité à l’exception de celles prévues aux articles L. 612-14, L. 612-15 et au premier alinéa de l’article L. 612-17. Elles le sont également aux certificats complémentaires de protection à l’exception de celles prévues aux articles L. 611-12, L. 612-1 à L. 612-10, L. 612-12 à L. 612-15, L. 612-17, L. 612-20, L. 613-1 et L. 613-25.. »

C’est donc vers les brevets que devra être dirigé notre procédure de saisie de droit incorporel.

Les brevets sont saisissables et ils peuvent être vendus aux enchères par un huissier de justice ou un commissaire priseur judiciaire qui ont seul compétence pour ce faire.

Les signes distinctifs permettront de caractérisé le brevet et en feront toute sa valeur.

Mais, il est également possible de saisir et vendre les dessins et modèles tels que définis aux articles L 511-1 et L 511-2 du CPI :

Article L 511-1 :

« Peut être protégée à titre de dessin ou modèle l’apparence d’un produit, ou d’une partie de produit, caractérisée en particulier par ses lignes, ses contours, ses couleurs, sa forme, sa texture ou ses matériaux. Ces caractéristiques peuvent être celles du produit lui-même ou de son ornementation.

Est regardé comme un produit tout objet industriel ou artisanal, notamment les pièces conçues pour être assemblées en un produit complexe, les emballages, les présentations, les symboles graphiques et les caractères typographiques, à l’exclusion toutefois des programmes d’ordinateur. »

L 511-2 :

« Seul peut être protégé le dessin ou modèle qui est nouveau et présente un caractère propre. »

Pour certains droits industriels ce qui est important ce sont les signes distinctif. Les marques de fabrique, de commerce et de service et les certificats d’obtention végétale, peuvent être saisies suivant la procédure de saisie des droits incorporels.

Article L 711-1 du CPI:

« La marque de fabrique, de commerce ou de service est un signe susceptible de représentation graphique servant à distinguer les produits ou services d’une personne physique ou morale.

Peuvent notamment constituer un tel signe :

  • Les dénominations sous toutes les formes telles que : mots, assemblages de mots, noms patronymiques et géographiques, pseudonymes, lettres, chiffres, sigles;
  • Les signes sonores tels que : sons, phrases musicales;
  • Les signes figuratifs tels que : dessins, étiquettes, cachets, lisières, reliefs, hologrammes, logos, images de synthèse; les formes, notamment celles du produit ou de son conditionnement ou celles caractérisant un service; les dispositions, combinaisons ou nuances de couleurs.

Les certificats d’obtention végétale peuvent faire l’objet d’une procédure de saisie et de vente forcée ».

Article L 623-1 :

« Pour l’application du présent chapitre est appelée « obtention végétale » la variété nouvelle, créée ou découverte :

  • Qui se différencie des variétés analogues déjà connues par un caractère important, précis et peu fluctuant, ou par plusieurs caractères dont la combinaison est de nature à lui donner la qualité de variété nouvelle;
  • Qui est homogène pour l’ensemble de ses caractères;
  • Qui demeure stable, c’est-à-dire identique à sa définition initiale à la fin de chaque cycle de multiplication. »

Article L 623-4 :

« Toute obtention végétale peut faire l’objet d’un titre appelé « certificat d’obtention végétale », qui confère à son titulaire un droit exclusif à produire, à introduire sur le territoire où le présent chapitre est applicable, à vendre ou à offrir en vente tout ou partie de la plante, ou tous éléments de reproduction ou de multiplication végétale de la variété considérée et des variétés qui en sont issues par hybridation lorsque leur reproduction exige l’emploi répété de la variété initiale.

Des décrets en Conseil d’Etat rendent progressivement applicables les dispositions de l’alinéa précédent aux différentes espèces végétales en fonction de l’évolution des connaissances scientifiques et des moyens de contrôle.

Ces mêmes décrets déterminent pour chacune des espèces végétales les éléments de la plante sur lesquels porte le droit de l’obtenteur. »

Il en sera de même pour la saisie et la vente du droit incorporel que représentent les produits semi conducteurs.

Article L 622-1 du CPI :

« La topographie finale ou intermédiaire d’un produit semi-conducteur traduisant un effort intellectuel du créateur peut, à moins qu’elle ne soit courante, faire l’objet d’un dépôt conférant la protection prévue par le présent chapitre.

Ce dépôt ne peut intervenir ni plus de deux ans après que la topographie a fait l’objet d’une première exploitation commerciale en quelque lieu que ce soit ni plus de quinze ans après qu’elle a été fixée ou codée pour la première fois si elle n’a jamais été exploitée.

Est nul tout dépôt qui ne répond pas aux conditions prévues au présent article. »

Par exemple, dans le cas d’une concurrence déloyale, une entreprise débitrice pourrait se voir saisir ses brevets ou ses marques ou ses droits de propriété industriels et se les faire acheter par des concurrents.

Eu égard à la société de l’intelligence dans laquelle nous sommes, cette procédure paraît être très intéressante pour contraindre le débiteur.

Ces droits exclusifs accordés (exploitation, location, reproduction …) par la protection de la propriété intellectuelle doivent être impérativement exploités par le créancier dans le cadre du recouvrement.

Cependant une remarque est à apporter quant à toutes les procédures de ventes judiciaires de droits incorporels.

En effet, la cession forcée de parts de SCI, la cession forcée des droits d’auteur, la vente forcée de licences ou de marque…, n’auront d’intérêt que si ces droits ont une valeur.

Par conséquent, le commissaire de justice (huissier de justice) devra, avant toute rédaction de cahier des charges, s’assurer par une évaluation rapide, de la valeur des biens incorporels mis en vente.

Sans valeur réelle du droit saisi, point de vente !

Pour toute question concernant la saisie d’un droit de propriété intellectuel, vous pouvez prendre contact avec Maître Dubois.

Notre expérience en la matière nous permettra d’avoir un regard transversal sur vos problématiques et nous pourrons ainsi vous apporter des solutions réfléchies, précises et efficaces.