La valeur des meubles et le CPCE
Bien que, la valeur réelle d’un meuble ne sera connue qu’une fois la vente judiciaire réalisée, la loi oblige parfois avant la vente, à donner une valeur ou une non-valeur aux biens meubles.
Par ailleurs, l’estimation de la valeur sera essentielle afin de renseigner le créancier sur l’opportunité des poursuites.
Comment se fait cette estimation, existe-t-il une ou des méthodes infaillibles ?
Pour répondre à ces questions il faut distinguer deux grandes catégories de meubles : les meubles corporels et les meubles incorporels.
Quand et comment estimer la valeur des biens meubles corporels ?
L’estimation des meubles lors d’une saisie vente :
Dans cette procédure, l’article R 221-14 du CPCE prévoit que le commissaire de justice qui se trouve face à des biens qui n’ont manifestement aucune valeur vénale, dresse un procès-verbal de carence.
Cette estimation de la valeur intervient dès la saisie afin d’éviter des poursuites inutiles ou afin de caractériser un état de cessation des paiements.
A contrario, l’article L 111-7 du CPCE, sauf cas particulier, n’impose pas au commissaire de justice de limiter la saisie-vente au vu de la valeur éventuellement importante des biens saisis. Et ceci pour trois raisons principales.
La première raison est que la valeur des meubles n’est pas appréciable de manière précise lors de la saisie.
En effet, la saisie n’est qu’un « inventaire » (article R 221-16 2° du CPCE) et non une prisée. En pratique, le commissaire de justice ne va pas manipuler les meubles ou tester les appareils électroniques pour s’assurer de leur état.
La deuxième se trouve à l’article L 221-4 du CPCE qui stipule que c’est lors de la vente forcée, que l’officier vendeur « arrête les opérations de vente » lorsque le prix des biens vendus permet de désintéresser les créanciers saisissants et opposants.
La troisième raison, est qu’aucune garantie des vices cachés n’existe lors d’une vente forcée (article 1649 du Code civil). Par conséquent, les adjudicataires limitent leur risque par une adjudication faible.
L’estimation des meubles lors de la procédure d’expulsion :
Dans le cadre de l’expulsion, le commissaire de justice dresse l’inventaire du mobilier et indique si ce mobilier à une valeur vénale ou non (article R 433-1 du CPCE).
Si le débiteur, ne récupère pas son mobilier et ne conteste pas la valeur donnée par l’huissier, le mobilier sera soit vendu aux enchères soit mis à la décharge, et ce en fonction de ce qu’aura indiqué le commissaire de justice sur son acte.
Le commissaire de justice va déterminer la valeur, en prenant en compte d’une part le coût de réalisation du mobilier (déménagement, stockage, frais d’organisation de la vente, publicité,…) et d’autre part, en estimant la valeur du mobilier présent.
Il faut donc que la valeur du mobilier couvre la totalité des frais permettant sa réalisation. A défaut, la dette ainsi créée devra être payée par le débiteur et si celui-ci est insolvable, le propriétaire devra l’assumer.
Le véhicule terrestre à moteur :
Aucun texte n’impose au commissaire de justice d’estimer le véhicule.
Sa valeur est a priori facilement déterminable car les véhicules sont côtés.
Cependant, lors de la saisie et de l’enlèvement du véhicule, le débiteur ne coopère que rarement à la mesure d’exécution et il est fréquent que l’officier vendeur ne dispose au jour de la vente, ni des clefs, ni de la carte grise, ce qui minore le prix du véhicule.
Enfin, dans le cadre de la vente judiciaire, il n’existe aucune garantie quant aux vices cachés, ce qui entraîne une minoration du prix.
Comment estimer la valeur des meubles incorporels ?
Les meubles incorporels recoupent une myriade de droits très différents les uns des autres.
L’estimation des meubles incorporels côtés ne présente aucune difficulté pratique, puisque le tiers saisi indiquera au commissaire de justice, lors de la saisie, le montant des droits incorporels détenus par le débiteur.
Les meubles incorporels non côtés, quant à eux, soulèvent plus de difficultés.
Certains droits incorporels « autonomes » représentent eux même l’actif valorisable, une licence de taxi par exemple, alors que d’autres représentent des parts ou actions de sociétés composées d’un actif et d’un passif.
Ces notions d’actif et de passif sont importantes car l’adjudicataire en deviendra propriétaire.
Pour permettre d’apprécier la valeur des droits incorporels non-côtés, le commissaire de justice rédigera un cahier des charges dans lequel il devra faire figurer « tout document nécessaire à l’appréciation de la consistance et de la valeur des droits mis en vente » article R 233-7 du CPCE.
Notons que ce texte n’impose pas au commissaire de justice lors de la rédaction du cahier des charges de procéder à une estimation de la valeur des droits mis en vente.
La détermination de la valeur des droits incorporels « autonomes » :
Deux catégories existent, d’une part les droits incorporels non-côtés bénéficiant d’un marché et d’autre part ceux qui n’en bénéficient pas.
Dans la première catégorie, nous pouvons notamment inclure la licence de taxi, la licence IV, les autorisations de transports sanitaires.
Dans ce cas, des sites internet spécialisés ou des ordres professionnels peuvent apporter des éléments précis et fiables quant à l’estimation du droit incorporel.
Dans la seconde catégorie, nous pouvons intégrer les brevets, marque, droits d’auteur, certificats d’obtention végétal notamment.
Pour ces droits incorporels, il existe différentes méthodes d’évaluation (ces méthodes peuvent se cumuler et d’autres peuvent être utilisées).
- connaître l’impact du droit incorporel sur le résultat de la société.
- Déterminer les coûts du développement du droit incorporel – recherche, protection, marketing …
- Connaître la valeur de la location du droit incorporel.
- Déterminer la notoriété du droit incorporel.
La détermination de la valeur relative des actions et des parts sociales :
Cette valorisation va dépendre des éléments qu’aura obtenu le commissaire de justice lors de ses recherches.
Rappelons que l’article L 152-1 du CPCE, permet au commissaire de justice, dans le cadre de son monopole, d’interroger les administrations afin de connaître l’étendue du patrimoine du débiteur.
Ce sont ces informations qui seront déterminantes pour répondre à l’article R 233-7 du CPCE.
Par ailleurs, des informations sont accessibles librement sur internet.
La valeur des parts sociales ou actions est déterminée en fonction de leur actif et de leur passif.
Pour les sociétés commerciales leur objet est aussi varié qu’est le commerce lui-même (restauration, logiciel, industrie etc …).
L’actif global sera analysé grâce à la lecture des liasses fiscales, la nature de l’activité et les actifs corporels ou incorporels (droit au bail, brevet, marque, etc …)
Le passif financier devra être recherché dans les liasses fiscales et les documents publiés.
Pour les sociétés commerciales ou civiles à caractère immobilier (SCI, GFA, GFR, GFV, GFF), la valorisation paraît plus simple car il existe un actif valorisable grâce à un marché connu.
L’huissier, via l’article L 152-1 du CPCE, procédera à l’interrogation des administrations (DGFIP, INSEE etc …), et ainsi, en prenant connaissance des différents immeubles détenus par la société, il réalisera la cartographie immobilière de la société.
L’estimation brute sera alors relativement aisée à réaliser en interrogeant les services idoines (Chambre des Notaires, SAFER, DDFIP etc …)
Cette information immobilière sera à minorer car peu, voir aucune information ne seront connues quant à l’état de l’immeuble (électricité, amiante, présence de plomb, condition d’occupation, état du bien, passif environnemental ou social, état cultural etc…).
En effet, puisqu’il est vendu des parts de sociétés et non un immeuble, il n’est prévu dans cette procédure aucun procès-verbal de description ou de visite, contrairement à la saisie immobilière.
Le passif financier sera méconnu ou obscur car le dépôt des liasses fiscales n’est pas systématique.
C’est pourquoi, même si l’actif des sociétés à caractère immobilier paraît facilement maîtrisable, la valeur des parts sociales ou des actions le détenant n’est pas estimable de manière précise car une part d’ombre existera sur l’état financier ou immobilier exact de cette société.
Ainsi et de manière plus générale, la valeur des droits incorporels bénéficiant d’un actif et d’un passif est de facto difficilement estimable de manière certaine.
A la lumière de ce qui précède, nous constatons qu’aucune règle ne permet de déterminer avec précision la valeur des meubles.
Est-ce à dire que cette difficulté anéanti l’intérêt des procédures civiles d’exécution ?
La réponse est négative, car la valeur vénale est décorrélée de la valeur affective que le débiteur peut porter à ses biens et droits et cette peur de les perdre le motivera fortement pour proposer des paiements.
La valeur des meubles est donc essentielle mais non consubstantielle aux procédures de recouvrement.